Les colorants artificiels vont bientôt disparaître de vos céréales et fromages préférés. Deux géants de l’industrie alimentaire américaine, Kraft Heinz et General Mills, annoncent la suppression totale des colorants synthétiques dans leurs produits vendus aux États-Unis d’ici 2027. Une étape majeure pour le secteur agroalimentaire.
Que représente ce changement pour les consommateurs ? Voici les raisons, les enjeux et notre analyse de cette évolution importante du rayon alimentaire.
Pourquoi ce changement ? L’initiative « Make America Healthy Again »
Depuis plusieurs années, la controverse grandit autour des ingrédients controversés dans les aliments ultra-transformés, notamment les colorants artificiels.
Une campagne gouvernementale stricte
En 2024, le département américain de la santé (U.S. Department of Health and Human Services) a lancé la campagne « Make America Healthy Again ». L’objectif : assainir la composition des aliments en ciblant en premier lieu les colorants problématiques, source d’inquiétude pour parents et spécialistes de la nutrition.
La volonté vise à éliminer toute trace de colorants synthétiques dans la chaîne alimentaire américaine dès 2026.
Les leaders du secteur contraints d’agir
Kraft Heinz et General Mills, bientôt rejoints par d’autres acteurs, suivent cette politique. Pourquoi ces premiers choix ? Parce que leurs produits phares – fromages, sauces, céréales, goûters – s’adressent surtout aux enfants.
La santé des plus jeunes constitue un levier politique et émotionnel puissant.
En résumé : Ces annonces traduisent un changement profond, largement impulsé par les pouvoirs publics et la société civile.
Quels sont les engagements actuels des marques ?
Kraft Heinz et General Mills avancent rapidement, même si la suppression totale des colorants artificiels n’est pas encore effective sur toutes les étagères.
General Mills : déjà 85 % de produits sans colorant synthétique
Chez General Mills (Cheerios, Lucky Charms, Nature Valley, …), 85 % des références vendues aux États-Unis utilisent déjà des colorants naturels ou n’en contiennent pas.
Dès l’été 2026, toutes les céréales et aliments servis dans les cantines scolaires américaines passeront au tout naturel. La transition complète dans les grandes surfaces est prévue pour fin 2027.
Kraft Heinz : fin des colorants FD&C avant 2027
Kraft Heinz (Velveeta, Lunchables, Kraft Mac & Cheese…) s’engage à ne plus lancer aucun produit contenant des colorants FD&C, ces additifs réglementés par la Food and Drug Administration.
Le groupe prévoit également de retirer entièrement ces colorants synthétiques de ses gammes actuelles avant 2027.
À noter : Une majorité de leurs produits les plus vendus étaient déjà sans colorant artificiel, mais certains emblèmes de la malbouffe américaine restent difficiles à modifier (certains fromages fondus très colorés par exemple).
Les raisons de ce virage : santé publique et attentes des consommateurs
Ce changement répond à plusieurs enjeux liés à la réputation, à la santé et aux attentes des consommateurs.
Une politique à deux vitesses remise en question
Depuis longtemps, les grandes marques se confrontent à des critiques pour leur double standard : des versions « clean label » en Europe, grâce à une réglementation stricte, contre des recettes plus permissives aux États-Unis.
Cette inégalité provoquait la frustration.
Il s’agit aussi d’assurer une équité pour les consommateurs américains, qui refusaient d’être laissés pour compte en matière de sécurité alimentaire.
Des risques sanitaires identifiés
Les colorants artificiels sont régulièrement associés à des réactions allergiques, des troubles de l’attention ou encore à l’hyperactivité chez certains enfants.
Dernier exemple : la FDA a interdit le colorant Red Dye No.3 présent dans bon nombre de confiseries et sodas, tout en favorisant des alternatives naturelles comme l’extrait de fleur de pois bleu.
Une pression croissante des consommateurs
Les acheteurs demandent une meilleure compréhension des ingrédients. Des étiquettes claires, sans additifs, rassurent et influencent les achats.
La demande pour des produits « clean label » augmente fortement, contraignant les industriels à s’adapter sous peine de perdre des parts de marché.
Conséquences et difficultés pour les industriels
Dire « suppression des colorants » paraît simple, mais la réalisation comporte des obstacles techniques et économiques.
Rendre les alternatives naturelles accessibles à grande échelle
Changer les recettes nécessite de trouver des colorants naturels stables, efficaces et abordables. Le marché des extraits naturels connaît une forte croissance, mais les volumes indispensables restent immenses.
Plusieurs colorants naturels coûtent entre 2 et 5 fois plus cher que les synthétiques.
Les multinationales doivent sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement, négocier de nouveaux contrats, et accepter une possible hausse temporaire des prix pour le consommateur.
Conserver l’attrait visuel et gustatif des produits
Un autre enjeu majeur concerne la relation entre couleur, goût attendu et image nostalgique. Un Mac & Cheese moins coloré ou des céréales moins vives risquent de décevoir.
Les équipes marketing et R&D doivent permettre une acceptation progressive de ces changements par les familles.
Ce défi évoque celui rencontré lors de la réduction du sodium ou de la suppression des acides gras trans : une phase d’adaptation est nécessaire, mais la santé publique obtient un bénéfice significatif.
Un impact probable sur l’ensemble de l’industrie
Quand deux géants modifient leurs pratiques, l’ensemble du secteur suit.
Une révision généralisée des recettes des produits sucrés, salés, snacks, notamment ceux ciblant les enfants, devient attendue à court terme.
Aspect marketing ou véritable progrès ?
- Avantages :
- Meilleure transparence pour le consommateur
- Réduction des risques pour la santé des enfants (hyperactivité, allergies…)
- Harmonisation des normes entre l’Europe et les États-Unis
- Stimulation de l’innovation dans les colorants naturels
- Inconvénients :
- Coûts potentiellement plus élevés pour fabricants et consommateurs
- Possibilité de perte d’attrait visuel ou gustatif sur certains produits iconiques
- Difficultés d’approvisionnement en quantités suffisantes pour certains extraits naturels
- Besoin d’une communication adaptée pour faire accepter les nouveaux aspects aux consommateurs attachés aux versions historiques
Le secteur alimentaire bénéficiait d’un électrochoc de ce type. La prudence reste essentielle : « naturel » ne signifie pas automatiquement « sans risque » ou « meilleur pour la santé ». Ce changement ouvre la voie à des produits plus simples et plus sains, tout en relançant le débat sur les critères réels de la qualité alimentaire.
Seriez-vous prêts à échanger vos Cheerios très colorés contre des versions plus sobres mais plus saines ?