Des bagels en bière : New York réinvente l’anti-gaspi

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Ecrit par sylvie

Sylvie est une épicurienne passionnée, toujours en quête de nouvelles saveurs et de découvertes culinaires.

Le gaspillage alimentaire est un défi majeur aujourd’hui. Chaque jour, des tonnes de produits parfaitement consommables finissent à la poubelle, des légumes légèrement difformes aux invendus de la veille. Mais que se passerait-il si nous changions notre regard ?

Si, au lieu de voir des déchets, nous décelions une opportunité ? C’est précisément la voie qu’empruntent des artisans, des chefs et des agriculteurs visionnaires à l’État de New York. Loin des discours moralisateurs, ils transforment concrètement les surplus en délices inattendus, prouvant que l’économie circulaire peut être aussi gourmande que vertueuse.

Des rives de l’Hudson aux terres fertiles des Finger Lakes, un changement profond et discret est en marche. C’est ce que nous allons découvrir ensemble, à travers cinq initiatives inspirantes qui redéfinissent notre rapport à l’alimentation.

Valorisation des surplus : quand l’alimentation gagne une seconde vie

Le mot « upcycling« , ou surcyclage en français, désigne l’art de transformer un produit en fin de vie en un nouvel objet de qualité supérieure. Appliqué à l’alimentation, ce concept donne naissance à des créations étonnantes, qui valorisent chaque parcelle de nos ressources.

The Spare Food Co. : Pionnier de la valorisation alimentaire

Au centre de cette mouvance se trouve The Spare Food Co., cofondée par Adam Kaye. Fort de vingt ans d’expérience en tant que directeur culinaire du prestigieux restaurant Blue Hill at Stone Barns, il a une philosophie claire : « Là où d’autres voient des déchets, nous voyons une opportunité culinaire ». Pour lui et son frère Jeremy, le terme « gaspillage » n’a presque pas sa place dans leur vocabulaire.

Leur approche consiste à récupérer les surplus agricoles pour en faire des produits novateurs et savoureux. Leur création phare, le « Spare Starter« , est un concentré de six légumes excédentaires, une sorte de mirepoix ou de sofrito moderne. C’est une base parfaite pour les chefs professionnels, mais aussi une astuce ingénieuse pour les cuisiniers amateurs qui veulent ajouter une profondeur instantanée à leurs soupes, sauces ou même à une simple omelette.

De la graine à l’assiette : l’ingéniosité d’une démarche globale

L’ingéniosité de The Spare Food Co. ne s’arrête pas là. Ils ont également mis au point le « Spare Burger« , un steak gourmand qui marie 70 % de bœuf élevé de manière responsable et 30 % de légumes surcyclés. Le résultat ? Un burger plus léger, plus nutritif et surtout, bien plus durable.

Même leur gamme de boissons, la « Spare Tonic« , participe à cet effort collectif. Ces boissons pétillantes et fruitées, aux saveurs de fruit de la passion et yuzu ou de myrtille et gingembre, sont élaborées à partir de lactosérum (petit-lait) excédentaire, un coproduit de l’industrie laitière souvent jeté. Une manière brillante de transformer un surplus en une boisson rafraîchissante et tendance.

Produits phares de The Spare Food Co. :

  • Spare Starter : un concentré de six légumes excédentaires, idéal comme base culinaire polyvalente.
  • Spare Burger : un steak gourmand qui marie 70 % de bœuf élevé de manière responsable et 30 % de légumes surcyclés.
  • Spare Tonic : des boissons pétillantes et fruitées élaborées à partir de lactosérum excédentaire.

Invendus transformés : du pain à la bière, une créativité sans limite

Le pain et les viennoiseries figurent parmi les produits les plus gaspillés. Mais à New York, même un bagel de la veille peut connaître une destinée surprenante, bien loin de la poubelle.

Miller’s Thumb Bakery : L’art de la boulangerie durable

À Buffalo, la boulangerie Miller’s Thumb Bakery & Cafe aborde la durabilité dès la matière première. La farine est moulue sur place à partir de céréales cultivées dans une ferme familiale voisine, réduisant ainsi l’empreinte carbone et soutenant l’économie locale. Le son issu du broyage, plutôt que d’être jeté, est en partie intégré aux pains et le reste est donné aux éleveurs de poulets et de porcs des environs.

Mais leur philosophie la plus remarquable concerne la gestion des stocks. Jill Colella et Steve Horton, les co-propriétaires, ont adopté une approche à contre-courant de la grande distribution : ils préfèrent vendre la totalité de leur production quotidienne plutôt que de surproduire pour garantir des étagères pleines à la fermeture.

Les rares invendus sont immédiatement transformés en croûtons croquants ou en chips de bagel. C’est un modèle de modération réfléchie qui inspire.

Return Brewing : Quand la bière s’inspire du bagel new-yorkais

L’idée peut sembler folle, et pourtant, elle est géniale. Lorsque la célèbre enseigne de bagels new-yorkaise Black Seed Bagels a proposé à la brasserie Return Brewing d’utiliser ses invendus pour créer une bière, la réponse a été un « oui » enthousiaste. Le résultat de cette collaboration est la « Come Back Kölsch« .

Le processus a demandé quelques ajustements techniques pour broyer correctement les bagels et calculer leur apport en sucre, mais le jeu en valait la chandelle. Cette bière blonde, légère et facile à boire (4,2 % d’alcool), brassée avec du malt et du houblon locaux, dévoile une finale fraîche et citronnée avec une subtile note de pain blanc grillé. En plus de son originalité, cette bière soutient des causes locales, une partie des bénéfices étant reversée à des associations caritatives de la région.

À la source : l’agriculture, moteur de l’anti-gaspillage

Purdy’s Farmer & the Fish : L’ultime circuit-court, du champ à l’assiette

Depuis plus de dix ans, le restaurant Purdy’s Farmer and the Fish, situé dans le comté de Westchester, est un pionnier du mouvement « de la ferme à la table ». Mais ici, le concept est poussé à son paroxysme : plus des trois quarts des légumes et des herbes utilisés en cuisine sont cultivés sur place, dans la ferme attenante.

Cette approche réduit drastiquement l’empreinte carbone tout en garantissant une fraîcheur inégalée dans l’assiette. Les menus, élaborés par le chef-fermier Michael Kaphan, évoluent au gré des récoltes, avec des plats comme la lotte aux artichauts et pesto de fanes de radis. Rien ne se perd, tout se transforme.

Fishkill Farms : L’excellence agricole et la lutte contre le gaspillage

Au comté de Dutchess, Fishkill Farms va plus loin que le simple label biologique. En bannissant les engrais et herbicides de synthèse, la ferme s’engage à préserver l’habitat des insectes pollinisateurs. Pour eux, lutter contre le gaspillage est une seconde nature.

Lorsqu’une récolte est trop abondante, les surplus sont dirigés vers des associations comme FeedHV ou Second Chance Foods, qui les redistribuent aux familles dans le besoin. Les restes végétaux sont compostés, les pommes non commercialisables sont broyées pour nourrir le sol, et les fruits abîmés sont transformés en tartes, confitures ou cidre.

Katie Ross, responsable de la ferme, souligne un aspect essentiel : un fruit « moche » demande autant, si ce n’est plus, de travail qu’un fruit parfait, surtout en agriculture biologique. Heureusement, leur clientèle fidèle comprend et valorise cet effort, jouant ainsi un rôle direct à la création d’un système alimentaire plus résilient.

Ces initiatives à New York sont bien plus que de simples anecdotes. Elles dessinent les contours d’un avenir alimentaire plus innovant, plus créatif et plus respectueux de nos ressources. Elles nous rappellent que derrière chaque surplus se cache un potentiel, et que l’innovation est souvent la meilleure solution au gaspillage.

Ces pionniers nous montrent la voie, prouvant que de petits changements, mis bout à bout, peuvent avoir un impact considérable. Et vous, quelles sont vos astuces anti-gaspillage préférées au quotidien ?

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